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Le blog de Pierre Siorac
16 juin 2015

Dumas n'a pas tout dit ou la vraie vie des mousquetaires - 2nde partie

4-mousquetaires

CHAPITRE 5

 

La Divine Providence

 

 

 

Dans la chambre qui abritait ses amours avec la belle Caroline, Aramis venait de revêtir une tenue dans laquelle on ne pouvait s’attendre à contempler un homme d’Église, et moins encore un mousquetaire. Enfin, « tenue » était un mot inapproprié dans la mesure où il était pour l’occasion quasiment nu, avec juste un tablier blanc qui cachait le devant de son anatomie, juste en dessous de la ceinture. Et ce n’était pas une épée qu’il tenait dans sa main droite, mais… un plumeau.

Caroline, elle, avait juste enfilé sur le haut de son corps superbe la chemise blanche qui cachait si peu sa superbe poitrine et lui descendait jusqu’à mi-cuisses. Elle regardait son « serviteur » d’un œil particulièrement amusé, et en particulier ses fesses musclées qu’elle aimait tant caresser.

  • — Tu n’es vraiment pas douée pour la poussière, soubrette… Je ne sais pas si je vais te garder à mon service.
  • — Que Madame me pardonne, mais elle ne cesse de se redéposer sur les meubles au fur et à mesure que je l’essuie. Ce serait plus facile avec un simple chiffon.
  • — J’ai dit : le plumeau !
  • — Bien, Madame. Mais je crains alors de ne pas pouvoir faire grand-chose de plus contre cette maudite poussière.
  • — Hum… Tu as vraiment un beau petit cul, soubrette. Je me demande si on ne pourrait pas utiliser le plumeau d’une autre façon…
  • — Caroline !
  • — Pardon ?
  • — Madame…
  • — Approche un peu.

Caroline passa sa main fine et douce sous le tablier et commença à caresser l’entrejambe de son « serviteur ».

  • — Hum… Mais dis-moi, j’ignorais que les gens de ta condition avaient les bourses aussi remplies.
  • — Ah, un caprice de la nature, Madame, ou de la fortune… Je vous assure pourtant qu’hier soir je vous ai offert tout ce qu’elles contenaient.
  • — Je ne te crois pas, et je suis très mécontente. Tu vas me donner tout ça, et ensuite je te punirai pour ton insolence.
  • — Que Madame me pardonne, mais je souhaiterais être puni d’abord. Lorsque leurs bourses sont vides, il est difficile aux pauvres gens de ne pas se révolter contre les injustices.
  • — Hum… Alors je veux voir le plumeau entre tes deux fesses. Immédiatement.

Aramis s’exécuta.

Une parenthèse ici s’impose qui éclairera le lecteur d’aujourd’hui. On a coutume en effet de prétendre, à tort, que le siècle dans lequel nous vivons est un siècle de liberté qui a vu les mœurs évoluer profondément. Il s’agit là hélas d’une vue de l’esprit totalement faussée par cette espèce de prétention des élites actuelles à alléguer qu’elles valent mieux que celles auxquelles elles ont succédé. Le libertinage était de mise à l’époque de Louis XIV, bien plus qu’aujourd’hui ; et les émotions, les élans du cœur étaient moins jugés qu’ils ne le sont de nos jours. Chacun savait que Monsieur, frère du roi, était entouré de ses mignons ; et si l’on en plaisantait parfois, nul n’aurait songé à remettre en cause l’honneur de sa personne. De Madame de La Vallière à Madame de Maintenon, en passant par la sulfureuse marquise de Montespan, tout le monde a connu le nom des innombrables favorites du Roi Soleil, et la chose ne provoquait pas les quolibets du peuple ni la fureur de la reine. Qu’on daigne ouvrir les yeux un instant, et l’on s’apercevra que c’est notre XXIème siècle soi-disant libre qui condamne les écarts des princes. Et pourquoi donc, ma foi ? Le scooter est-il pour ce genre d’exploit une monture moins digne que le cheval ? Fermons la parenthèse, et retrouvons nos deux amants, la première totalement nue sous sa chemise, et le second les fesses ornées d’une oriflamme originale.

  • — Remonte donc ton tablier, soubrette, et viens m’offrir ta fortune.

À ce moment, la porte de leur sanctuaire vola en éclats et six spadassins masqués y firent irruption. Aramis comprit la situation en une fraction de seconde et s’empara de son épée posée sur le petit secrétaire mis à la disposition des invités. Il para facilement la première attaque et transperça la poitrine de son assaillant.

  • — Derrière moi, Caroline, près de la fenêtre !

Surpris par une réaction à laquelle ils ne s’attendaient pas, les intrus marquèrent un temps d’arrêt et se regardèrent, essayant d’envisager la suite des événements. Cela fut fatal à deux autres d’entre eux. Caroline en effet avait sorti le pistolet d’Aramis et tiré, atteignant sa cible en pleine tête. Profitant de la stupeur du vacarme provoqué par le coup de feu, l’ex-soubrette redevenue mousquetaire perça le flanc d’un autre de leurs agresseurs. Ils n’étaient plus que trois désormais, mais ils entendirent dans l’escalier le bruit des bottes des renforts qui arrivaient.

  • — Saute, Caroline ! Par la fenêtre, et cours droit devant toi.
  • — Et toi ?
  • — Je te rejoins dès que tu es en bas.

Sentant leur proie leur échapper, et encouragés par l’arrivée des renforts, les trois autres se ruèrent alors en même temps sur Aramis qui esquiva le premier, para et blessa le second au bras, mais reçut la lame du troisième à l’épaule. Il dut alors changer de main afin de continuer de se battre.

Caroline avait atterri sans dommage sur le sol. Elle se releva d’un bond et commença à courir droit devant elle. Hélas, elle vit alors arriver dans sa direction une dizaine d’hommes masqués. Elle stoppa net et fit demi-tour. Moins chargée (et pour cause) que ses poursuivants, elle réussit à prendre sur eux quelques mètres d’avance et reprit confiance. Elle courait, transportée de peur et d’angoisse pour son beau chevalier qui ne l’avait toujours pas rejointe cependant. Elle avait presque atteint le coin de la longue rue des Orfèvres lorsqu’un carrosse lui en interdit l’accès et que deux hommes masqués également en sortirent. Perdue, affolée, elle chercha tout autour d’elle un secours qu’elle ne trouva pas et se retrouva empoignée par ses poursuivants qui commencèrent à lui lier les mains dans le dos.

Madame de Longueville descendit alors du carrosse, les yeux rayonnant d’une joie absolue et cruelle.

  • — Eh bien, Vendôme, nous nous retrouvons enfin !
  • — Oh, je vous en supplie, Madame, aidez-moi.
  • — Vous aider ? Cela m’étonnerait… Mais pour me supplier, là, vous pouvez compter sur moi.
  • — Ne faites pas cela ; je suis princesse de sang : vous commettriez un crime irréparable.
  • — Là où je vous emmène, princesse, vous ne serez bientôt plus rien.
  • — Oh non, je vous en prie… Pas ça ! Laissez-moi partir…
  • — Suffit ; faites-la taire ! Ses cris m’importunent.

Les hommes de main de la duchesse de Longueville eurent tôt fait de bâillonner la pauvre enfant avant de la faire monter dans le carrosse qui démarra à grands fracas, sans souci de renverser quelques passants qui avaient eu l’imprudence de ne pas s’écarter assez vite.

**************

Pendant ce temps, Aramis – qui avait réussi à envoyer ad patres quatre nouveaux assaillants – s’apprêtait à succomber sous le nombre. Contrairement à ce qu’avait imaginé d’Artagnan, les Jésuites de son couvent possédaient de nombreux maîtres d’armes, et il n’avait rien perdu de sa dextérité passée. Hélas, s’il était encore presque invincible à un contre trois, éminemment dangereux à un contre dix, les choses se compliquaient sérieusement au-delà, surtout avec une épaule blessée.

Il se rappela sa condition d’homme d’Église et se souvint qu’il était nécessaire de prier avant de rejoindre l’au-delà. Il commença donc une courte prière tout en continuant à se battre, en souriant un peu et en se demandant quelle tête ferait Saint Pierre en le voyant débarquer aux portes du Paradis avec son tablier de soubrette.

Mais la Divine Providence est consubstantielle aux Jésuites… et aux romans d’aventures. Et dans ce cas précis, elle se manifesta sous la forme d’un cri de ralliement qui encouragea notre héros à jeter ses dernière forces dans la bataille.

  • — Un pour tous ! crièrent trois fortes voix en montant l’escalier à leur tour.
  • — Tous pour un ! répondit Aramis en navrant un nouvel ennemi.

Porthos entra le premier dans la chambre. Il n’était plus un homme, mais l’incarnation de Mars, le dieu des guerriers. Il était la foudre, le tonnerre, l’Armageddon suprême des lâches qui avaient osé s’en prendre à son ami. Il frappait de sa lame, de ses poings, de sa tête… Il était la tempête, il était l’ouragan, il était la Vengeance. Lorsqu’ils entrèrent, Athos et d’Artagnan n’eurent affaire qu’à des fuyards qu’ils châtièrent sans aucune pitié.

D’Artagnan se précipita dans les bras d’Aramis dont la vue commençait à se brouiller.

  • — Mon ami…
  • — Ami… Alors comme ça, tu m’as rejoint toi aussi ? Nous sommes à nouveau tous les quatre.
  • — Comme avant, Aramis.
  • — Comme avant.

Et il perdit connaissance.

On aura donc compris, en lisant ce qui précède, que d’Artagnan avait finalement laissé Athos le convaincre de renouer avec ses anciens compagnons pour de nouvelles aventures. Une fois le pacte scellé autour d’une bonne bouteille de Sancerre, on avait envoyé un messager afin de prévenir Porthos, et décidé de retrouver Caroline et Aramis dans leur refuge afin de pouvoir rentrer à Saint-Germain qui devenait alors le lieu le plus adéquat en attendant la suite des événements.

Nos trois héros s’étaient donc retrouvés à Paris, et avaient découvert la trahison peu de temps après l’irruption des hommes de Longueville. Peu de temps, certes, mais trop tard, hélas, pour Caroline. Il est des circonstances où « un peu » se transforme en « beaucoup trop ». L’enlèvement avait eu lieu si rapidement que personne ne savait en réalité qui en était l’instigateur. Et les spadassins étant tous morts, aucun ne risquait de donner une information utile à ce sujet. Comme chacun le sait, seuls les esprits retors et les professionnels de la basse politique ont le pouvoir de faire parler les morts.

Mais la Divine Providence était à l’œuvre, et par conséquent continuait de veiller sur les mousquetaires. Elle revêtait cette fois un costume noir, des cheveux gris et une barbe blanche. Elle se cachait sous les traits de l’ennemi le moins dangereux, et sans doute le plus accessible à la raison de nos quatre compagnons.

Rochefort, en effet, après avoir passé la nuit à grelotter pour rien sur les remparts du Louvre, avait d’abord été en proie à la colère. Puis, après avoir dormi quelques heures, il avait reconnu que d’Artagnan était un diable d’homme, et son estime pour lui en tant qu’adversaire en avait été renforcée.

Après réflexion, il s’était dit que la haine de la belle duchesse l’avait probablement amené chez le cardinal de Retz, et il décida de rendre une visite de courtoisie à ce dernier. Arrivé à ses portes, il en avait vu sortir Madame de Longueville arborant un air de triomphe sur lequel il lui était interdit de douter. Il avait donc décidé de la suivre.

Madame de Longueville n’était pas d’Artagnan. Elle n’avait pas besoin, en outre, d’utiliser nombre de subterfuges : sa condition la protégeait d’une manière bien suffisante. Il avait donc été facile pour le comte de ne pas la perdre des yeux et d’assister à l’enlèvement de l’infortunée princesse de Vendôme. Hélas, il était seul ; et heureusement, il n’était pas fou. Il n’intervint donc pas.

Il savait désormais qui détenait la princesse, mais il ne pouvait pas s’emparer d’elle.

Les mousquetaires pouvaient la secourir, mais ils ignoraient ce qu’elle était devenue.

Une alliance de circonstance s’imposait donc.

  • — Bonjour, Messieurs, dit Rochefort en entrant dans la chambre quelques secondes après qu’Aramis eût perdu connaissance.

 

 

 

CHAPITRE 6

 

Anne d'Autriche paye sa dette

 

 

Tandis que Porthos et d’Artagnan amenaient leur compagnon blessé « où l’on savait », Athos – qui avait depuis toujours été des quatre mousquetaires le plus clairvoyant et le plus raisonnable pour dénouer les innombrables fils des intrigues politiques – chevauchait au hasard des rues de Paris avec le comte de Rochefort afin de sonder ses véritables intentions. Les deux hommes avaient le même âge, avaient passionnément aimé la même femme, et en avaient subi tous deux les mêmes déconvenues. Ils avaient toujours combattu l’un contre l’autre, mais toujours sans mésestimer la valeur de l’adversaire. Ils avaient tous les deux un certain sens de l’honneur, et ne divergeaient en réalité que sur cette maxime de Machiavel, que Rochefort avait faite sienne, mais que la grandeur d’Athos réprouvait : « La fin justifie les moyens. »

  • — Vous m’avouerez, Rochefort, que votre ralliement a tout de même de quoi surprendre.
  • — Comte de la Fère…
  • — Athos ! Le comte de la Fère est mort il y a plus de vingt ans.
  • — Vous êtes et resterez le comte Olivier de la Fère toute votre vie, et qu’importe le masque derrière lequel vous vous cacherez. Vos valeurs, vos exploits, votre passé, je les connais, et vous savez que je les admire. Et ce n’est pas un hasard si nous négocions en ce moment tous les deux l’avenir de vos compagnons. Je sais qui vous êtes, et vous savez qui je suis. Je n’ai pas votre grandeur d’âme : je suis un pragmatique ; et le pragmatisme, en l’occurrence, m’impose de jouer franc-jeu avec vous.
  • — Alors soyez franc… tant que votre pragmatisme vous le permettra. Mais appelez-moi Athos, je vous en prie.
  • — Soit, si vraiment vous y tenez. Je suis comme vous : je méprise le Mazarin qui m’a fait enfermer cinq ans à Vincennes et qui prétend aujourd’hui m’élargir en échange de la princesse de Vendôme. Mais le Mazarin n’aura rien de moi, quitte à croupir dix ans de plus dans une nouvelle geôle.
  • — Mais Beaufort peut tout vous demander ; et si ce dernier souhaite échanger la princesse contre quelques faveurs, cela ne sera plus de votre ressort.
  • — Effectivement. Mais à ce jour, j’agis de mon propre chef, et le duc ne m’a rien demandé. En me ralliant à vous, je ne le trahis donc pas.
  • — Vous trahissez votre intérêt, Rochefort, ainsi que votre sens politique.
  • — Mon intérêt, c’est avant tout de rester vivant : j’ai des vengeances à accomplir. Si j’enlève Caroline de Vendôme, j’aurai à faire face à Aramis ; si je tue Aramis, je devrai me battre contre vous, contre Porthos, et contre d’Artagnan. Je doute de pouvoir vous survivre à tous les quatre. Donc, mes plans ont changé : la seule chose que je souhaite, c’est que le Mazarin n’arrive pas à ses fins.
  • — Soit… Mais alors, pourquoi vous en prendre à madame de Longueville et au prince de Gondi ? Vous êtes assuré qu’entre leurs mains, le Mazarin n’aura aucune chance de rattraper sa proie.
  • — Mais ils renforceront alors leur pouvoir, et Retz est un serpent. Plus il devient fort, plus mon maître est en danger.
  • — J’aimerais tant vous croire, Rochefort… Mais vous êtes un politique, vous regardez ces affaires avec un esprit froid. Et je crains qu’il ne vienne un moment où vos calculs vous permettent de changer d’avis à nouveau.
  • — Je suis un homme, Athos. Et comme tous les hommes, mon esprit est soumis à la passion autant qu’à la raison.
  • — Et quelle est cette passion qui vous domine actuellement ?
  • — La haine, Monsieur… Connaissez-vous les raisons de ma détention à Vincennes ?
  • — Vous aviez juré d’occire le Mazarin.
  • — Sur ordre de qui ?
  • — Beaufort.
  • — Non, Monsieur… À cette heure, j’étais sottement sous le joug amoureux de la duchesse de Longueville. Elle hait le Mazarin bien plus que moi, et elle a obtenu de moi le serment que je le tuerai. Mais vous savez ce qu’il en est de la politique… Mazarin promit à Gondi la robe de cardinal ; il devait donc encore vivre un peu. Et moi, j’étais lancé contre lui tel un chien enragé contre sa proie. On m’a donc dénoncé.
  • — Qui ça ?
  • — Longueville elle-même, en échange de son pardon.
  • — Mon pauvre ami…
  • — Je hais cette femme, Athos, bien plus encore que le Mazarin. Alors, je suis des vôtres. Demandez-moi ce qu’il vous plaira.
  • — Votre parole de gentilhomme.
  • — Je vous la donne. Je vous jure de ne pas tirer l’épée contre vous ni contre vos compagnons, et de ne pas nuire en quoi que ce soit à Caroline de Vendôme.

**************

Il serait tentant, pour les besoins de la littérature, de décrire Mazarin comme un sot, un fourbe, un avaricieux, un bellâtre imbu de sa personne, ivre de puissance et de fortune. Il serait tentant de faire ici même œuvre que les chroniqueurs de l’époque, de tracer un de ces portraits rédigés à l’acide ou de tremper sa plume dans un encrier empli de fiel et de rancœur. À cette époque en effet, cent libellés s’envolaient chaque matin des galeries du Pont Neuf pour fustiger l’Italien et sa politique. On appelait cela « Les Mazarinades ». Peu d’entre elles, reconnaissons-le, méritent de passer à la postérité ; mais certaines étaient d’une qualité qu’il faudra bien admettre :

Ce méchant plein d’outrage

A ruiné sans défaut

Vous tous, gens de village

Vous donnant de l’impôt

Faut sonner le tocsin

Ding ding

Contre le Mazarin

Voilà ce que l’on chantait dans les rues de Paris, du matin au soir et du soir au matin.

Et Mazarin laissait chanter… « Qu’ils chantent, disait-il ; ils paieront… »

En réalité, Mazarin n’était ni sot, ni cruel. Mais il était amoureux – et cela depuis toujours – de sa reine, et cet amour était partagé. Il avait même quelques années auparavant été béni par feu le roi Louis XIII qui, préférant les hommes, avait toujours été incapable d’accorder à sa femme les honneurs qu’elle méritait. La naissance du petit roi reste pour les historiens une énigme bien singulière, à moins de croire aux miracles comme le bon peuple de Paris le crut en ces temps où l’Église trouvait, par le truchement de la Grâce Divine, des solutions aux situations les plus insolubles.

Mais il suffit de regarder l’Histoire avec un œil froid, de se pencher sur les dates, de comprendre pourquoi Mazarin fut rappelé à la cour pour devenir le parrain du futur Louis XIV, de comprendre l’insistance du roi sur son lit de mort à exiger que la reine fasse de l’Italien son Premier ministre, et de constater que ce dernier sacrifiera tout – jusqu’à sa propre dignité – pour que son « filleul » monte sur le trône débarrassé de tous ses opposants. On constatera alors que Mazarin a agi comme un père. Et on en conclura ce que l’on voudra…

Nous en conclurons ici que Mazarin n’avait pour seule préoccupation que la gloire de son « filleul » et l’amour d’Anne d’Autriche, avec laquelle il était marié en secret depuis la mort de Louis XIII. Que seule la raison d’État guidait ses décisions, et que son caractère était – contrairement à celui du grand Richelieu – beaucoup plus souple et pacifique.

Il était à cette heure en compagnie de sa bien-aimée. Anne d’Autriche, comme toutes les femmes que l’amour a fini par combler, savait lire dans les yeux de son mari. Et elle le voyait en proie à une profonde agitation qu’il essayait de lui cacher.

  • — Eh bien, Giulio, si vous me parliez un peu de ce qui vous préoccupe ?
  • — Comme toujours, Madame : les affaires de l’État.
  • — On vous veut du mal, encore une fois ?
  • — Cela n’importe pas. C’est là une condition à laquelle un Premier ministre doit savoir s’accoutumer.
  • — Mais c’est une condition à laquelle une femme ne le peut, surtout lorsqu’il s’agit de celui qu’elle aime.
  • — Ne vous inquiétez pas pour moi, Madame… Votre présence suffit à mon apaisement.
  • — Giulio, je suis votre reine. Et je vous somme de vous confier.
  • — Soit, Madame… Il s’agit de la princesse de Vendôme, qui a été enlevée.
  • — Nous le savons déjà.
  • — Elle a été enlevée à ses ravisseurs.
  • — La pauvre femme…
  • — Je dois avouer.
  • — Mais enfin, que font votre police et vos espions ?
  • — Il s’agit là d’une partie bien trop compliquée pour eux, je le crains.
  • — Diable… Des bandits se rendent coupables d’un enlèvement et se font posséder par d’autres bandits… La chose est pourtant simple et ne devrait pas vous poser tant de problèmes.
  • — Il s’avère, Madame, que les ravisseurs ne sont pas de simples bandits de grand chemin soucieux d’obtenir une rançon.
  • — Que demandent-ils ?
  • — Rien.
  • — Je ne comprends plus…
  • — Vous comprendriez, si vous saviez leurs noms.
  • — Je vous écoute, Giulio.
  • — Vous rappelez-vous d’un certain chevalier d’Herblay, plus connu sous le nom d’Aramis ?
  • — Mon Dieu ! Ne me dites pas…
  • — Si, Madame. Et deux de ses amis.
  • — Athos et Porthos ?
  • — Oui, Madame. Et j’ai commis l’erreur de demander à d’Artagnan de les arrêter.

Anne d’Autriche éclata d’un rire sincère. Puis ses yeux se perdirent un instant, et son esprit se remémora des souvenirs enfouis depuis bien des années…

  • — Athos, Porthos, Aramis, et d’Artagnan. Mon Dieu ! Giulio, si vous connaissiez la valeur de ces hommes…
  • — Ils sont aujourd’hui nos ennemis, Madame.
  • — Non, mon ami ; ils ne seront jamais les ennemis du roi, ni les miens. Et il ne tient qu’à vous de vous assurer de leur loyauté.
  • — Que dites-vous ?

Une lumière venait de s’allumer dans l’esprit de Mazarin. Avoir avec lui ces quatre hommes, avec leur science de la guerre et de la négociation, c’était à n’en pas douter un atout considérable pour l’avenir. Mais dans le cas présent, ils étaient un handicap terrible.

  • — Je dis, mon ami, que je suis une ingrate, et que par ma faute vous payez cette ingratitude. Ces hommes ont sauvé ma vie au péril de la leur, et si nous pouvons nous aimer comme nous nous aimons aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à leur abnégation. Et qu’ai-je fait, mon Dieu, pour les récompenser ? Rien. Peut-être le temps est-il venu que je paie ma dette ?
  • — Vous oubliez les seigneurs du Loiret dont l’appui nous est indispensable.
  • — Mon Dieu, Giulio, ouvrez donc les yeux ! Les seigneurs du Loiret vous seront fidèles uniquement contre des services que vous devrez leur rendre, des honneurs qu’il faudra leur donner, une fortune qu’il vous faudra dépenser. Et tout cela pourquoi ? Pour contenir les folies d’un Gondi ou d’un Beaufort… Croyez-moi, avec ces quatre hommes à votre service, vous n’aurez plus besoin de quiconque pour défendre vos intérêts ici, à Paris.
  • — Hum, voilà qui mérite réflexion…
  • — C’est tout réfléchi ! Personne ne doit toucher à un seul de leurs cheveux. Laissez-les donc en paix.
  • — C’est que, Madame, la princesse leur a été enlevée…
  • — Alors aidez-les à la retrouver. Et rendez-leur les honneurs qu’ils méritent. Ils ne sont pas ingrats, eux ; ils sauront vous servir en échange.
  • — S’agit-il là d’un ordre de ma reine, dit Mazarin en souriant.
  • — Beaucoup plus que cela, Giulio : c’est un désir de ta femme.

**************

Innombrables sont les hommes qui rêvaient de visiter les appartements de madame la duchesse de Longueville. Nombreuses également étaient les femmes qui partageaient ce rêve. Et nous les comprenons aisément. Tout n’était que dorures, meubles en bois précieux, tableaux de prix, chandeliers supportant des bougies aux odeurs envoûtantes et enivrantes. Quant à la chambre de la duchesse – qui avait reçu les visites de tant d’amants, de quelques amantes, et dont les murs drapés de rouge avaient été les témoins de tant d’ébats – elle était tout simplement un temple dédié à l’Amour sous toutes ses formes (et nous avons vu précédemment que le siècle en comptait bien plus qu’aujourd’hui), orné d’un tableau représentant la belle frondeuse sous les traits d’Aphrodite avec qui les artistes de l’époque ne cessaient de la comparer.

Mais ces rêves de visites étaient bien imprudents, tant les amants de la duchesse étaient nombreux à disparaître ensuite dans des circonstances souvent tragiques. Rochefort, de ce point de vue, avait grand tort de se plaindre de ses cinq années de captivité à Vincennes, car force était de reconnaître que, contrairement à bien d’autres, il avait survécu.

L’immense bibliothèque, qui occupait un mur entier du boudoir, accueillait tous les auteurs qu’il était possible d’imaginer. Livres de poésie, récits de voyages, ouvrages philosophiques, et même quelques livres de magie qui auraient fait se dresser les cheveux sur le crâne tonsuré des moines franciscains et donné des nuits entières de cauchemars à un inquisiteur espagnol. Mais en France, on n’inquiétait pas un personnage de ce rang pour si peu. Un arbre généalogique bien fourni suffisait à garantir une sorte d’éternelle immunité, et celui de madame de Longueville, bien qu’un peu arrangé, la faisait descendre indirectement du roi Louis XI. Elle était presque intouchable, et pouvait donc s’adonner à sa guise à tous les plaisirs qui lui passaient par la tête.

Pour la surprendre en train de s’adonner à un de ses plaisirs, justement, il suffisait de déplacer un manuscrit particulier renfermant les poèmes de François Villon. Un mécanisme se déclenchait alors, ouvrant sur le côté de la somptueuse bibliothèque une petite porte donnant sur un escalier de pierre et conduisant dans les sous-sols de sa demeure. Arrivés en bas, nous y découvrirons ce qu’il faut bien appeler des cachots ainsi qu’une salle de torture, de laquelle s’échappaient en cet instant nombre de pleurs et de supplications.

Madame de Longueville s’y tenait droite et hautaine devant la pauvre Caroline, les mains toujours liées dans le dos, et maintenue par deux gardes du corps.

  • — Je vous en prie, Madame, sanglotait la princesse, je ne suis pas votre ennemie. Laissez-moi partir, s’il vous plaît.
  • — Tout dépendra de toi, Vendôme. Mais oui, sois sans crainte : tu partiras… ricana la duchesse.
  • — Par pitié, Madame, dit-elle en tombant à ses genoux, ne me renvoyez pas au prince.
  • — Je te le promets : tu ne retourneras pas là-bas. Ce n’est pas dans mes intérêts. Tu vois, nous allons nous entendre…
  • — Alors pourquoi m’avez-vous amenée ici ? Qu’allez-vous faire de moi ?
  • — Te faire partir loin d’ici. En Louisiane, où tu serviras de putain et de chienne aux peaux-rouges et aux proscrits ! dit la blonde diabolique en éclatant d’un rire cruel.
  • — Non… Je vous en prie… Par pitié…
  • — Tu connais la différence entre une chienne et une duchesse, catin ? C’est la valeur du collier qu’on lui passe autour du cou. Et voici le tien… Tenez-la bien, vous autres !

Longueville passa autour du cou de Caroline un de ces colliers de fer servant à entraver les prisonniers et les esclaves.

  • — Je vous en supplie, Madame… Je ferai tout ce que vous voudrez…
  • — Tout ce que je voudrai ? Bien. Nous allons voir ça, catin. Voyons ce que t’a appris ton beau chevalier…
  • — Que voulez-vous dire ?
  • — Nous allons voir si tu es aussi douée que lui pour les choses de l’amour… Viens me lécher la chatte, catin ! Je suis trempée, toute excitée par tes larmes.

Le désespoir de Caroline fit place au dégoût, puis à la colère, puis à la révolte.

  • — Jamais, espèce de folle ! Vous êtes une dépravée ! Jamais vous ne me forcerez à cela.
  • — Tu as raison : jamais je ne te forcerai. Les chiennes obéissent sans qu’on ait besoin de les battre. Et tu obéiras bientôt à chaque ordre que je te donnerai, fais-moi confiance… Descendez la fillette.

L’un des gardes du corps de la duchesse actionna une poulie et l’on vit alors descendre une de ces cages de fer suspendues à des chaînes qui avaient tant servi au royal ancêtre supposé de madame de Longueville. Caroline y fut bientôt enfermée, malgré des hurlements et des supplications qui auraient apitoyé n’importe quel bourreau. Mais chacun sait combien une femme ayant décidé d’en faire souffrir une autre peut se montrer inflexible.

  • — Nous verrons bien, Vendôme, si tu es toujours décidée à désobéir après deux jours dans l’obscurité, sans boire ni manger. Quant à moi, je vais terminer ce que j’ai commencé. Tu voulais retrouver ton beau chevalier ? Tu le verras bientôt. Il a échappé à mes spadassins ; mais rassure-toi : il ne m’échappera pas, à moi !

Les trois tourmenteurs sortirent et la porte se referma, laissant Caroline dans le noir, seule, et cette fois sans espoir de secours.

 

 

 

CHAPITRE 7

 

Dans les mains de Dieu

 

 

 

 

Persuadé que le lecteur n’aura pas le cœur de laisser Caroline de Vendôme seule et abandonnée dans l’obscurité de cet odieux endroit, nous nous efforcerons de lui tenir un temps compagnie. Hélas, des siècles entiers nous séparent, et nous ne pouvons que compatir sans qu’elle le sache le moins du monde. À moins que, par un de ces miracles de l’Univers que personne n’est capable d’expliquer, notre sympathie (dans le sens premier du mot, c’est à dire : « souffrir avec ») ne puisse lui être transmise par la seule force de notre pensée.

 

On aurait tort de croire que la marche du temps est la même pour chacun d’entre nous. Les heures de plaisir sont toujours plus courtes que les heures de souffrance ou d’angoisse, et ces deux jours d’enfermement allaient paraître une éternité à notre belle héroïne.

 

C’est tout d’abord le froid qui se fit sentir en premier. La chemise que la princesse portait lors de l’assaut des sicaires de Longueville lui avait été arrachée, la laissant totalement nue. Nous n’étions qu’au début du printemps, et les sous-sols de la résidence où elle était prisonnière étaient encore glacés.

 

Un froid qui la faisait grelotter et auquel l’étroitesse de sa cage de fer empêchait toute échappatoire dans la mesure où elle ne pouvait ni s’y tenir debout, ni s’y allonger dans une position qui lui aurait permis de trouver un peu de confort.

 

Puis vint la faim… Caroline avait certes l’habitude de se contenter de repas frugaux, mais cela faisait presque une journée entière qu’elle n’avait rien mangé. Elle sentait son ventre se nouer ; son estomac se mit à la torturer à son tour, et tout cela augmentait la sensation de froid…

 

Puis la soif… Elle vint après. Supportable au début, elle se fit de plus en plus lancinante au fur et mesure que les heures passaient. La seule façon de l’oublier un peu aurait été de dormir, mais comment trouver le sommeil dans de telles conditions de détention ?

 

Alors Caroline s’accrocha à la seule pensée capable de la soutenir encore un peu. La duchesse de Longueville avait affirmé qu’Aramis lui avait échappé. Et elle savait que jamais son chevalier servant ne l’abandonnerait à son sort. Elle l’imaginait abattu, certes, mais elle le savait furieux, en train d’imaginer quelque plan pour la sortir de là. Et elle savait qu’il n’était pas seul. Elle mit ses derniers espoirs dans ses trois compagnons des derniers jours, et elle qui ne croyait plus en Dieu depuis tant d’années se décida à prier.

 

Ah, chère Caroline… Si vous aviez su en cet instant comment la main de Dieu guidait les cinq (et non plus trois) compagnons qui venaient à votre secours, ce n’est pas des prières désespérées que vous lui auriez adressé, mais un concert de louanges.

 

**************

 

À quelques lieues de l’hôtel privé de madame de Longueville, un carrosse tiré par quatre chevaux avançait lentement dans la nuit, accompagné par deux hommes en armes. Le long manteau noir qui enveloppait chacun d’entre eux et le visage que tous gardaient baissé sous son chapeau assuraient leur complet anonymat. Cependant, le lecteur attentif à l’histoire aura compris de qui nous parlons. D’autant plus que la taille gigantesque de l’un des cavaliers ne lui laissera aucun doute sur son identité.

 

Porthos, donc, était heureux. Si ses compagnons étaient à cette heure plongés dans des méditations plus ou moins profondes, lui était tout à son bonheur de servir. Il aimait l’aventure, et ne doutait jamais que le succès couronne ses entreprises. Pour lui, les choses étaient d’une enfantine simplicité. Il était invincible, et ses compagnons étaient les plus fines lames du royaume. Il s’était amusé en écoutant ses quatre autres amis préparer leur plan avec autant de minutie que de rigueur. Lui, ce plan, il l’avait en tête depuis bien longtemps : on entrerait chez madame de Longueville, on transpercerait quelques corps, fracasserait quelques crânes, on délivrerait la princesse et on repartirait. Et ensuite, on ferait la fête, palsambleu !

 

D’Artagnan conduisait le carrosse. Et lui aussi était heureux. Il avait retrouvé ses amis, et s’était rendu compte avec autant de bonheur que de surprise que leur amitié était intacte. Rien n’avait changé… Porthos était toujours aussi généreux, Athos continuait d’agir en frère aîné de leur confrérie ; quant à Aramis, il était toujours en quête de cet Absolu qui le rendait presque mystique au moment de l’action et le faisait redevenir guerrier au moment de la réflexion. Il avait trouvé cet Absolu dans les beaux yeux vert émeraude de Caroline et après tout, pensait d’Artagnan, celui-là en valait bien un autre, pourvu qu’il y trouve son bonheur. Il pensa à son Augustine. Ah, comme il aurait voulu en cet instant la voir avec les mêmes yeux que son ami voyait sa bien-aimée… Il se promit d’essayer à son retour.

 

Athos était sans doute le seul à s’inquiéter. Oh, certes pas pour sa vie : il était prêt depuis bien longtemps à la sacrifier pour une cause qui en valait la peine, et celle qui le menait à la bataille en cet instant lui semblait l’être. Mais il aimait passionnément ses amis et redoutait qu’il ne leur arrivât malheur. Il savait depuis longtemps qu’au combat le hasard est incontrôlable. Ses compagnons avaient beau être les plus aguerris, les meilleurs épées du royaume de France, il avait beau reconnaître que leur plan était ingénieux dans sa simplicité et avait tout prévu, il savait que parfois le sort décide d’être défavorable et que dans ces moments plus rien ne se passe comme on le souhaite. Et, plus encore que la vie de ses compagnons, il craignait pour la vie de Caroline, tant il connaissait la cruauté de la duchesse de Longueville.

 

À l’intérieur du carrosse, Aramis faisait face à Rochefort et essayait de lire dans le fond de ses yeux. Qui donc était-il ? Pouvait-on vraiment lui faire confiance ? Qui servait-il à part lui-même ? Aux ordres de Beaufort, il était en mission pour le Mazarin qu’il prétendait trahir au profit des anciens mousquetaires, tout en haïssant Longueville dont il était encore sans doute amoureux… On arrivait au dénouement de l’histoire ; il allait falloir que chacun abatte ses cartes. Quelles étaient donc les cartes de Rochefort ?

 

  • — Nous arrivons, je crois, Chevalier…
  • — Oui, nous touchons au but.
  • — Alors il va falloir que je vous lie les mains.
  • — Serrez fort, je vous prie. Il faut que tout cela ait l’air vrai.
  • — Vous pouvez compter sur moi ; j’ai encore en mémoire un de vos coups d’épée qui m’a laissé deux mois avec le bras en écharpe.

 

Aramis joignit ses mains dans le dos en frémissant.

 

**************

 

Madame de Longueville avait l’art et la manière de toujours obtenir ce qu’elle voulait. Avec les hommes, cela avait toujours été d’une extrême simplicité, et somme toute assez ennuyeux. Avec les femmes, cela nécessitait de faire preuve de beaucoup plus d’imagination. Et lorsqu’il s’agissait de faire souffrir, de mettre à la torture, elle en avait à revendre.

 

Elle avait dit deux jours sans manger ni boire, et elle savait parfaitement ce qu’elle faisait. Au bout de deux jours, le corps commençait à s’habituer et on ne ressentait plus la faim de la même façon. Quant à la soif, il ne fallait pas excéder trois jours au risque de provoquer d’irréversibles séquelles. Or, elle ne souhaitait pas la mort de sa prisonnière : elle souhaitait son abaissement et sa déchéance. Retz avait demandé à ce que son sang ne coule pas ; il ne coulerait donc pas. Mais plus rien ne resterait de la « princesse » quand elle en aurait terminé avec elle. Elle serait devenue une esclave docile, prête à embarquer pour la Louisiane, et on en tirerait un bon prix.

 

La duchesse descendit donc avec deux gardes dans la salle de torture où elle retrouva Caroline, qui dès qu’elle la vit s’accrocha aux barreaux de sa cage et la regarda d’un regard à la fois terrifié et implorant.

 

  • — Donnez-lui à manger ; je ne tiens pas à ce qu’elle meure de faim tout de suite, ordonna Longueville à un des gardes qui apporta à Caroline un petit bol de poisson dont elle s’empara et dévora le contenu.

 

C’était bien évidemment un piège odieux, une fois de plus. Le poisson était abondamment salé et ne faisait que renforcer la soif de la pauvre Caroline. Mais la faim lui tenaillait tellement l’estomac qu’il lui était impossible de ne pas manger. Elle eut bientôt terminé le bol en entier.

 

  • — Tu en veux encore, petite chienne ?
  • — Je veux à boire… S’il vous plaît…
  • — Tout à l’heure, si tu es bien sage. Resservez-lui du poisson.

 

C’était horrible à voir. La pauvre enfant ne pouvait s’empêcher d’avaler goulûment ce repas empoisonné qui allait la mettre totalement sous la coupe de sa terrible geôlière. Elle termina à nouveau son bol de poisson séché.

 

  • — À boire, Madame… S’il vous plaît…
  • — Soit. Tu vois, je ne suis pas si mauvaise.

 

Longueville remplit d’eau une coupe aux bords assez larges et la tendit à Caroline. Hélas, cette coupe ne passait pas entre les barreaux de la cage.

 

  • — Eh bien, chienne, fais un effort quand même !
  • — Je… je ne peux la prendre, Madame.
  • — Alors tant pis pour toi ! Ah ah ah…

 

Et Longueville but la coupe lentement devant sa prisonnière, qui se remit à supplier.

 

  • — S’il vous plaît, Madame… Je vous en prie… Je vous en supplie…
  • — Es-tu prête à faire cette fois tout ce que je te demanderai, catin ?
  • — Oui… Oui, Madame ; tout ce que vous demanderez.

 

À cet instant, la porte s’ouvrit et un garde interrompit la conversation.

 

  • — Madame, le comte de Rochefort demande à vous voir d’urgence ; il amène avec lui un prisonnier.
  • — Bien. Faites-le entrer, et priez-le de m’attendre. Je suis à lui dans quelques instants.

 

Puis, se retournant vers Caroline :

 

  • — Tu attendras un peu avant de boire, petite chienne. Non, ne pleure pas. Rassure-toi ; je n’ai qu’une parole : tu pourras bientôt laper tout ton saoul la chatte humide de ta maîtresse encore pleine du foutre de ton amant.
  • — Non… Pas Aramis… C’est impossible !
  • — Bien sûr que si.
  • — Ne lui faites pas de mal, je vous en conjure…
  • — Lui faire du mal ? Pour qui me prends-tu ? Je vais lui faire beaucoup de bien, au contraire… Et comme je suis bonne fille, je lui permettrai de te faire ses adieux pendant que tu t’occuperas de me satisfaire. Car je doute qu’il survive longtemps ensuite, le cœur déchiré par le chagrin lorsqu’il saura la putain que tu seras devenue. Eh oui, petite chienne, c’est toi, et toi seule qui tueras Aramis. Ah ah ah…

 

**************

 

Rochefort entra dans le boudoir de madame de Longueville en poussant Aramis sans ménagement devant lui. Il tomba, les yeux baissés et totalement vides d’expression aux genoux de la duchesse qui le regarda de toute sa hauteur, s’assura que ses poignets étaient bien liés dans le dos, et sembla se désintéresser de lui complètement. Elle avait son jouet, un de plus… Elle s’attendait à plus de joie, à ressentir plus de désir envers cet homme qui lui avait donné tant de plaisirs. Elle se demanda finalement ce qu’elle pourrait bien en faire. Elle reporta son attention sur le comte.

 

  • — Eh bien, Rochefort, quelle surprise !
  • — Une promesse est une promesse, Madame, et vous savez comment je tiens les miennes.
  • — Je dois reconnaître que je vous ai sous-estimé, mon ami.
  • — C’est hélas le cas de bien des gens qui ne sont plus là pour en témoigner.
  • — Qu’est-ce à dire, comte ?
  • — Que j’ai rempli ma part du marché, et que je compte bien désormais sur votre loyauté.
  • — Vous savez qu’elle vous est acquise.
  • — Soit ; alors je vous livre le chevalier d’Herblay, mais en échange, j’attends que vous me permettiez de remplir ma mission en me livrant madame de Vendôme.
  • — Ce serait avec plaisir, comte, mais j’ignore où cette garce se trouve à l’heure qu’il est.
  • — Pardonnez-moi, Madame, mais j’ai de sérieux doutes à ce sujet.
  • — Vous ne devez pas douter de moi, Rochefort… jamais. Vous savez bien ce que j’ai toujours éprouvé pour vous.
  • — Oui, Madame : du mépris, je sais.
  • — Comment osez-vous ?
  • — Et vous, comment osez-vous ? Je vous ai vue de mes yeux enlever la princesse de Vendôme, et vous avez encore le front de me mentir ? Ah, Madame, comme je suis déçu ! répliqua Rochefort en tirant son épée.
  • — Mon pauvre Rochefort, vous êtes complètement fou. Comment imaginez-vous sortir d’ici vivant en vous en prenant à moi ? Gardes !

 

La porte du boudoir s’ouvrit violemment. Athos, Porthos et d’Artagnan firent irruption.

 

  • — Je crains que vos gardes du corps ne soient « légèrement indisposés », dit d’Artagnan en souriant.
  • — Mon Dieu, qu’avez vous fait ?
  • — Pardieu, nous sommes entrés, répondit Porthos dans un grand rire.
  • — J’espère que vous nous pardonnerez d’avoir mis un peu de désordre dans votre salle de réception, s’excusa onctueusement Athos.
  • — Et maintenant, Madame, reprit Rochefort avec un rictus haineux au coin des lèvres, je crois qu’il va vous falloir répondre de vos actes.

 

Aramis releva la tête pour la première fois et regarda dans les yeux la mante religieuse qui avait été sa maîtresse, si longtemps auparavant. Mais il n’y avait aucune compassion, aucune pitié dans son regard.

 

  • — C’est l’heure du jugement, Madame. Quel dommage que vous ne croyiez pas en Dieu… Lui seul à cette heure pourrait encore avoir pitié de vous.

 

**************

 

Caroline fut promptement délivrée et recouverte de la chaude cape de Porthos. Aramis lui porta une coupe d’eau fraîche aux lèvres.

 

  • — Bois lentement, mon amour… Bien… Ne t’inquiète pas, il y en a suffisamment pour étancher ta soif.
  • — Oh, René, j’ai eu si peur…
  • — C’est terminé maintenant ; tu ne crains plus rien.
  • — Peur pour toi, idiot !
  • — Pour moi ?
  • — Ma petite soubrette sans défense…
  • — Veux-tu te taire, sorcière ! se défendit-il en l’embrassant.

 

Pendant ce temps, un petit tabouret de bois avait été installé au centre de la pièce, sur lequel avait pris place madame de Longueville qui, malgré la délicatesse de sa situation, avait gardé un air d’arrogance insupportable. Le comte de Rochefort, toujours l’épée à la main, prit la parole en premier :

 

  • — Madame, voici venu pour vous le temps de répondre de vos crimes. Et ils sont innombrables : trahisons, enlèvements, tortures, assassinats. Je demande la mort !
  • — Attendez, Rochefort, intervint Athos ; je ne veux pas me montrer envers cette créature plus clément qu’il ne faudrait, mais je voudrais cependant vous faire part de mon point de vue avant que vous n’exécutiez cette diablesse.
  • — Je vous écoute, Athos.
  • — Nous parlions vous et moi à cœur ouvert l’autre jour, et nous avons évoqué le fait qu’il était important pour vous de préserver toujours vos intérêts.
  • — En effet.
  • — Eh bien, je doute que vos intérêts ne soient compatibles avec l’exécution de madame de Longueville.
  • — Il est parfois des moments de nos vies où il faut écouter son cœur, mon ami.
  • — Je n’en doute pas. Mais écouter son cœur, ce n’est pas se laisser aveugler par la haine. Si vous tuez madame de Longueville, vous deviendrez à vie l’ennemi du prince de Gondi. Il réclamera alors votre tête au Mazarin comme à monsieur de Beaufort. Nous ne sommes tous ici que des pions sur l’échiquier des grands du royaume ; personne ne pourra dès lors intervenir en votre faveur. Vous aurez fait couler du sang royal. Vous connaissez la peine encourue : la roue, l’écartèlement, puis la décapitation.
  • — Mais il faut bien que justice soit rendue, Athos. Il ne s’agit pas que de moi seul.
  • — Considérez également l’avis d’Aramis et de madame de Vendôme.
  • — Pour moi, dit Aramis, cette femme doit être mise hors d’état de nuire. Or, il apparaît qu’elle serait nuisible de part sa mort elle-même. Nous pourrions la remettre entre les mains du Mazarin.
  • — Pour quels motifs ? demanda d’Artagnan.
  • — Pour m’avoir fait assassiner, ainsi que Caroline. Ainsi, le Mazarin sera impitoyable envers elle, et personne ne nous cherchera plus.
  • — Voilà qui est fort habile ! s’exclama Porthos. Allons, qu’on l’attache et qu’on la mène au Mazarin. Ensuite, nous irons à l’auberge du Bon Moine, et…
  • — Inutile, Messieurs… LE Mazarin s’est déplacé jusqu’à vous !

 

Tous levèrent les yeux et découvrirent avec effroi le cardinal Premier ministre descendant les escaliers accompagné d’une trentaine de mousquetaires gris.

 

Ils tirèrent leurs épées, se préparant à livrer un combat bien inégal et cette fois perdu d’avance.

 

  • — Allons, Messieurs… Rangez donc vos armes. Elles ne seront d’aucune utilité dans l’affaire qui nous préoccupe.
  • — Je suis au regret, Votre Éminence, dit d’Artagnan, mais nous savons le sort qui nous attend et nous préférons choisir notre mort… avec votre permission.
  • — Vous ne l’avez pas, capitaine d’Artagnan. Vous êtes aux arrêts. Huit jours, pour avoir désobéi.
  • — Que Votre Éminence me pardonne, mais huit jours me semblent bien légers pour une désertion. Et je ne suis que lieutenant, pas capitaine.
  • — Vous l’êtes depuis ce matin.
  • — Diantre, est-ce ainsi que l’on punit les renégats aujourd’hui ?
  • — Oh, si j’avais été seul à décider, vous seriez resté lieutenant. Mais il s’avère que la reine s’est souvenue de vous, et d’un menu service que vous lui auriez rendu autrefois.
  • — S’il plaît à Votre Éminence de me montrer l’ordre de ma nomination…
  • — Je suis désolé, mais je ne l’ai pas emporté avec moi. La coutume veut que l’on me croie sur parole.
  • — Vous voudrez bien pardonner mon jeune ami, Votre Éminence, mais habitué comme il est aux gasconnades…
  • — Ah… Comte de la Fère, sans doute ?
  • — Athos, pour vous servir.
  • — Il serait temps… Les mousquetaires ont besoin d’hommes de votre trempe. Je ne comprends pas ce qui a pu vous faire quitter cet ordre si prestigieux.
  • — Beaucoup de temps à courir sur les routes, un âge qui avance, et un fils à élever.
  • — J’ai besoin d’instructeurs de qualité, comte. Et la reine a demandé que l’on double votre solde.
  • — Avez-vous des ordres écrits de sa part ?
  • — C’est une manie, décidément, que la méfiance chez les gens comme vous !
  • — Les gens comme nous restent vivants plus longtemps que les autres, Votre Éminence.
  • — Et ce géant qui s’apprête à nous charger comme un taureau… Monsieur Porthos ?
  • — Son Éminence ne pourra rien me promettre : j’ai déjà tout.
  • — Heureux homme…
  • — Mais quoi que vous me proposiez, je suivrai mes compagnons où qu’ils aillent, fût-ce en enfer.
  • — Le Louvre en est un, Monsieur Porthos… Voilà pourquoi j’ai tant besoin d’anges gardiens. Ah, comte de Rochefort, vous êtes le seul à avoir mérité ma confiance pleine et entière dans cette affaire. Il va de soi que vous avez acquis définitivement votre liberté.
  • — J’imagine que vous n’avez pas sur vous les sauf-conduits nécessaires et qu’il me faut vous accompagner au Louvre pour les obtenir ?
  • — Bien entendu. Quant à vous, Madame de Vendôme, vous n’êtes pas ici. Je ne vous ai jamais vue, ni votre confesseur jésuite… qui peut également ranger son épée.
  • — Alors, Messieurs, j’attends !
  • — Je suis désolé, Votre Éminence, reprit alors d’Artagnan, mais nous ne sommes pas convaincus.
  • — Et vous êtes prêts à vous battre jusqu’au dernier ?
  • — Hélas oui, Votre Éminence.
  • — Ne vous l’avais-je pas dit, Giulio ? Ces hommes sont intraitables, d’un courage immense, et parfois complètement fous ! triompha Anne d’Autriche en descendant l’escalier.

 

Immédiatement, toute la petite troupe mit un genou à terre en présentant les armes.

 

  • — Vous voyez, mon ami, reprit la reine ; insensibles à vos promesses, et totalement dévoués à la Couronne.
  • — Alors pourquoi leur donner tant, Madame, quand il suffisait que vous leur ordonniez ?
  • — Parce que tel est mon bon plaisir, Giulio.
  • — Madame, je vous en conjure, ne tenez jamais pareil propos devant le petit roi. Imaginez qu’il reprenne un tel mot quand viendra pour lui le temps de régner ; imaginez ce qu’en diraient les historiens…
  • — Madame, Messieurs, tout ce qu’a promis le Premier ministre sera tenu. Bien entendu, Messieurs Porthos et Athos, si vous ne vouliez pas rejoindre immédiatement les mousquetaires, sachez qu’aucune obligation ne vous est faite. Mais si vous en ressentiez l’envie un jour, alors vous seriez les bienvenus.
  • — Quant à vous, Madame de Longueville, reprit Mazarin, je ne puis vous faire mettre aux arrêts sans déclencher une guerre civile à Paris. Le chevalier d’Herblay à entièrement raison de penser que vous êtes l’incarnation du mal absolu. Cela dit, je vous conseille vivement de quitter Paris.
  • — Et pourquoi donc ? répondit la duchesse avec un air de défi.
  • — Disons qu’il arrive parfois des accidents, même aux gens de votre condition. Hélas, nul n’est vraiment intouchable lorsque la destinée prétend s’en mêler.

 

**************

 

Anne d’Autriche et Mazarin repartirent alors comme ils étaient venus. Les compagnons se retrouvèrent dehors devant le carrosse, et ce ne fut plus que rires, force accolades et embrassades. Puis on se décida à rentrer à Saint-Germain.

 

Aramis aidait Caroline à monter dans son carrosse lorsque soudain un cri retentit :

 

  • — Caroline, je t’en supplie, ne fais pas ça !

 

Tous se retournèrent et virent une ombre s’approcher.

 

  • — Je t’aime Caroline… Je n’ai jamais su te le dire ni te le montrer, mais tu es la seule femme que j’ai jamais aimée. Je t’en prie, ne pars pas ; la vie sans toi ne vaut pas la peine d’être vécue.

 

Caroline blêmit. Elle avait attendu pendant des années que Philippe sache lui parler ainsi, à cœur ouvert. Elle l’avait tant aimé, lui aussi… Mais il avait semblé si insensible à cet amour. Et aujourd’hui, elle aimait follement Aramis.

 

  • — Chevalier d’Herblay, reprit Philippe de Vendôme, je puis comprendre vos sentiments, mais je ne puis les accepter. Dieu m’en soit témoin : l’un de nous est de trop !
  • — Philippe, ne fais pas ça, je t’en prie ! cria Caroline. Tu n’as aucune chance…
  • — Si mourir pour vous est la seule façon qui me reste de vous prouver mon amour, Madame, alors s’il vous plaît, accordez-moi au moins cette dernière faveur.
  • — Que veux-tu que je fasse, mon amour, demanda Aramis avec une voix tremblante d’émotion.
  • — Je ne sais plus… J’ai tellement espéré entendre ces mots sortir un jour de ses lèvres…

 

Aramis avala difficilement sa salive et sentit son regard se voiler.

 

  • — Veux-tu que je renonce à toi ? Il te suffit de me le demander, tu sais très bien que j’obéirai.
  • — Non. Je ne veux pas renoncer à notre amour. Mais comment quitter cet homme que j’ai tant aimé… et que… j’aime encore ?
  • — Alors, que Dieu choisisse, répondit Aramis s’avançant vers le prince en tirant son épée.

 

Le combat s’engagea devant les yeux de tous. Caroline lança un regard suppliant à Athos, lui demandant de séparer les deux adversaires, mais ce dernier lui répondit « non » de la tête. Cela n’aurait rien réglé… Il fallait une fois de plus s’en remettre à cette Divine Providence qui ne les avait jamais abandonnés.

 

Aramis comprit rapidement que le combat était inégal. Philippe de Vendôme était fort et savait se battre, mais il était évident qu’il agissait par désespoir et qu’il recherchait sa propre mort plus que celle de son adversaire. Et pour cause : il n’avait rien entendu des mots que Caroline lui avait murmurés sur les marches du carrosse. Il profita alors d’un moment où ils étaient suffisamment proches l’un de l’autre pour l’agripper par le cou et, le serrant contre lui, parla à son oreille :

 

  • — Cessez donc de chercher la mort, Philippe ; votre sacrifice est inutile. Caroline vous aime.
  • — Elle m’aime, dites-vous… mais elle part avec vous.
  • — Non.

 

Le prince baissa sa garde.

 

  • — Je ne comprends pas, d’Herblay.
  • — Elle vous aime, et vous l’aimez. Je n’ai pas le droit de vous la prendre.
  • — Vous allez donc disparaître de sa vie ?
  • — Je doute que cela soit possible… Philippe, nous aimons la même femme, et Caroline nous aime vous et moi. Si l’un de nous disparaît, nous la perdrons tous les deux.
  • — Vous voyez bien que ce problème n’a pas de solution.
  • — Vous êtes son mari et vous venez de prouver votre amour ; je n’ai plus le droit de vous l’enlever. Vous avez un cœur noble, je n’ai pas le droit de le briser. Je ne vous demande que deux choses.
  • — Lesquelles ?
  • — Le droit de la voir trois jours par mois tant qu’elle voudra de moi… et votre amitié.
  • — Et que comptez-vous faire durant ces trois jours que vous demandez ?
  • — Lui offrir le peu qui lui manque. Philippe, je ne suis pas prince comme vous. Je mène une vie de combat et de fureur ; je doute que cette vie puisse convenir à celle que nous aimons, vous et moi. C’est auprès de vous qu’elle sera heureuse, si vous continuez de l’aimer ainsi.
  • — Mais… vous pleurez, d’Herblay ?
  • — Trois jours par mois, Prince… C’est tout ce que je demande en plus de votre amitié. Pour le bonheur de la femme que nous aimons tous les deux.

 

Philippe était désemparé. Il aurait tant voulu détester cet homme qu’il avait en face de lui, ne voir dans le chevalier d’Herblay qu’un coureur de jupons sans scrupules et sans pitié. Il découvrait une autre réalité… et il commençait à comprendre lui aussi les sentiments que Caroline éprouvait pour lui.

 

  • — Je ne sais pas, d’Herblay, finit-il par répondre. Essayons ?
  • — Essayons, Prince. Nous ne pouvons pas être ennemis si nous aimons Caroline comme nous le prétendons. Votre amitié ?
  • — Essayons… répondit Philippe dans un demi-sourire.

 

__________________________

 

Dumas n’a pas tout dit. Et l’auteur de ces lignes non plus… Il ne reste plus désormais aux lecteurs qu’à interpréter les mots, les situations, et à les recouper avec les romans écrits par l’auteur de Vingt ans après. Et à ne pas trop s’attarder sur les détails et les invraisemblances.

 

Cette histoire, finalement, n’est qu’une histoire d’amour et d’aventures comme tant d’autres en ont écrit.

 

Et bien entendu, toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant réellement existé ne saurait être que fortuite…

 

Pierre Siorac, Herblay, le 4 juin 2015.

 

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